Chapitre IV

Versailles du 5 octobre au 15 Novembre : lettre à son beau frère, l’assemblée de Versailles à Paris

Lettre à son beau-frère Guy Jacques Chouteau

 Concernant les journées des 5 et 6 octobre 1789 à Versailles

      AdV 316 J 10

J’ai l’âme tellement émue, mon cher frère, de tout ce qui vient de se passer et de ce qui se passe dans cette ville et dans la capitale, que je ne sais si je pourrais vous mettre de l’ordre dans mes idées et vous les rendre.La disette du pain s’est fait sentir à Paris et il paraît que depuis quelques jours où L’assemblée était occupée à discuter la réponse du roi sur les articles constitutionnels que l’on avait présenté à son acceptation. Elle avait continué la séance pour terminer cette discussion et prendre un décret qui ordonne que les articles décrétés de la constitution ensemble, et la déclaration des droits de l’homme seront de nouveau présenté à S. M. pour être par elle acceptés purement et simplement ; lorsque le soir sur les 5 heures est arrivé une armée de femmes qu’on dit monter à plus de 6000, une partie d’entre elles a demandé à être introduit dans la salle, l’orateur qui était à leur tête a exposé à l’assemblée que Paris manquait de pain depuis hier six heures du soir, il demanda à l’assemblée qu’elle s’occupa des moyens nécessaires à alimenter Paris. Il déclara que des boulangers et des meuniers avaient reçu de l’argent pour ne pas moudre ni cuire. Ces femmes se transportèrent au château demandant du pain, mais les elles étaient alors appuyées de plus de 6 mille hommes armés venus de Paris moins pour demander du pain que pour se venger des gardes du corps de qui ils prétendaient avoir à se plaindre, voici le fait tel qu’on le raconte.  

Jeudi dernier les gardes du roi donnèrent un grand dîner aux dragons et au régiment de Flandres qui sont actuellement à Versailles, la salle de spectacle de l’opéra fut le lieu de leur servi de réfectoire. Le roi revenant de la chasse chasser les vint voir, la reine accompagnée du dauphin et de Madame Royale les honora de sa présence visite. La présence de leurs maîtres, firent selon toutes les apparences, oublier à ces (mot rayé) militaires, ce qu’ils devaient à la majesté royale, à l’assemblée des représentants de la nation, et à la nation en général. On assure qu’ils se transportèrent au château que quelques grenadiers du régiment de Flandres montèrent à l’…… par la cour de marbre dans la chambre du roi qui, dit-on, donna la main à un de ces braves. Qu’ils crièrent vive le roi, vive la reine, vive la famille royale, vive le comte d’Artois, au diable l’Assemblée nationale, que la cocarde nationale dont les dragons et le régiment de Flandres était décorés fut foulée aux pied, et que l’on arbora la cocarde blanche.

Que la musique de ses troupes donna un concert au roi et jouèrent cette ariette de Richard Cœur de Lion, au Richard au mon roi, l’univers t’abandonne, il n’est que nous ! Que samedi dernier on recommença leur orgie dans le manège des gardes du corps ou l’on assure que les troupes s’oublièrent plus que jamais, qu’elles formèrent le dessein de venir à l’assemblée nous forcer à boire à la santé de crier vive le comte d’Artois ; un membre de l’assemblée a assuré ce fait certain. Que le même jour samedi plusieurs gardes du roi, dragons, officiers et soldats du régiment de Flandres voulurent forcer les troup soldats de la milice nationale à quitter la milice la cocarde nationale, et à prendre la cocarde blanche. On assure aussi et le fait est été donné à notre assemblée comme certain, que hier dimanche les dames de la cour distribuaient des cocardes blanches, qu’à Paris I grand nombre de citoyens avait quitté la cocarde nationale et pris où la cocarde noire ou la cocarde blanche, que plusieurs personnes [mot rayé] membres de notre assemblée, avait pris le ruban blanc, le tiret de leur poche, lors qu’il ne voyait ceux que nous appelons aristocrate, les ennemis de la liberté ; ce fait m’a été particulièrement assuré par plusieurs personnes et notamment par le curé du Vieux Pouzauges (brave citoyen) de votre connaissance. Dans le fait le clergé en général ne me paraît pas fort # en marge porté pour la liberté, soit qu’ils confondent la licence avec la liberté, soit qu’il connaisse qu’il lui est plus facile de commander sur des esclaves que sur des personnes libres. La fermentation fut dès lors très grande à Paris les esprits s’échauffèrent, et furent extrêmement divisés dans les différents districts de cette capitale. Ceux qu’on appelait royalistes, et ceux du parti opposé les patriotes amis de la liberté formèrent deux parties. Il paraît que ceux-ci l’emportent l’ont emporté puisqu’on assure qu’avant minuit ils seront plus de 30 mille hommes à Versailles.         Dans ce moment où je vous écris à sept heures du soir, on m’apprend que déjà il y a deux gardes du roi tués, et plusieurs chevaux tués ou blessés, qu’il arrive un nouveau détachement de Paris de 15 mille hommes avec 25 pièces de canons, résolu d’exterminer tous les gardes du roi, et qu’un pareil détachement arrivera vers dix ou onze heures. On assure que le projet d’emmener le roi arrêté a été découvert, et que devant s’exécuter aujourd’hui ou demain, les parisiens étaient décidés à s’y opposer et à engager le roi à fixer son séjour à Paris. Je ne cachèterai point ma lettre ce soir, demain matin je vous instruirai de ce qui ce sera passé cette nuit ou de ce qu’ils en aura après.

        Je prévois, mon ami, que cette nouvelle insurrection des parisiens occasionnera une nouvelle révolution. Je ne peux croire qu’elle soit désavantageuse à la cause des bons citoyens, ils veulent le bien, Paris et les provinces en ont reçu des pierres, quelle résistance ne nous a-t-il pas fallu opposer pour surmonter les efforts de l’aristocratie, mais depuis quinze jours nous avons la douleur de voir notre cause que la cause de la liberté, que j’appelle la seule bonne cause presque totalement abandonnée par les prêtres et une forte partie de la noblesse. Plusieurs membres des communes semblent avoir oublié les intérêts de leurs commettants pour augmenter le parti des ennemis de la liberté ! Le clergé principalement nous est plus opposé ; il ne peut digérer la perte des dîmes, dont il parut cependant faire le sacrifice si généreusement dans la nuit du 4 au 5 août. Il voit que l’assemblée tend à le dépouiller de la propriété de ses biens, propriété qui n’appartient qu’à la nation. Dès lors il ne voit que des ennemis dans chacun des députés des communes, parce que son intérêt particulier le touche plus que l’intérêt des générations futures. L’égoïsme est la passion des prêtres ils n’ont n’ayant point de postérité, le présent seul les occupe attache et leurs vœux ne se portent point au-delà de leur existence individuelle. Votre curé de Cholet me paraissait m’avait paru d’abord se bien montrer, il s’était réuni aux communes avec la majorité du clergé, avant la réunion des ordres. Je l’ai cru pendant quelques temps être dans la bonne voie, il était presque toujours de notre opinion ou c’est-à-dire de l’avis [ mot surchargé] . mais depuis longtemps je le vois toujours opposé de la majorité . Mais je crois la perte des dîmes nous la totalement aliéné pour jamais je ne le vois plus, je crois qu’il a totalement changé d’avis et même de parti. Je vois, mon cher frère, qu’à ce mot de parti vous vous récrié. Est-il possible direz-vous que dans une assemblée de législateurs il y ait un esprit de parti. Oui, mon ami, il existe. Les préjugés ne sont point encore détruits, le clergé se voit avec peine à la veille de perdre ses hautes prérogatives et surtout de devenir au corps soldé dans l’état, la modestie ecclésiastique s’en trouve s’en trouve fortement humiliée.

La noblesse ne voit pas avec moins de peine échapper le droit que depuis longtemps elle avait usager de jouir de la plus grande partie des biens, et des plus belles prérogatives de la société sans en payer les contribuer aux charges de l’état [en interligne l’abolition des droits féodaux] l’un et l’autre regrettent de n’être plus des ordres distincts et séparés dans le royaume.

Les magistrats regrettent la grande puissance dont ils étaient revêtus avant cette révolution. Heureux mon ami, ceux qui nous succéderont dans les prochaines législatures, ils trouveront pourront suivre avec fierté la route que nous leur aurons aplanie à travers mille périls, et après les plus grands travaux ! Fasse le ciel que nos peines et nos fatigues tournent à l’avantage de notre patrie ! Mardi 6. 8 octbre A minuit le roi a fait avertir notre président qu’il le priait de faire assembler les députés ,qu’il voulait[ mots rayés]……. de leurs conseils. Il y avait à peine un quart d’heure que nous étions couchés, le tambour a battu dans toutes les rues pour inviter les députés de se rendre à leur même à l’assemblée, quelques-uns s’y sont rendus, d’autres au salon …..   où le président était à les attendre ; les autres ont resté à la salle. Les parisiens avaient forcé le palais du roi, les gardes avaient été vaincus, plusieurs avaient été massacrés à leurs postes ; la reine menacée, sa porte forcée alla f…é se réfugier a la hâte chez le Roi. Le roi est décidé à aller se rendre aux vœux des parisiens c’est-à-dire d’aller habiter Paris. J’entrerai dans un plus long détail dans ma prochaine lettre.

        Mes respects à ma belle-mère ; je vous embrasse mon ami et Made Chouteau et Toto Corde

Versailles le 12 octobre 1789

Lettre originale 28

        Je t’ai écrit à Montigné ma chère femme pendant que tu y étais encore ; si tu m’eus prévenu quelque temps avant ton départ pour Cholet tu n’aurais point éprouvé de retard dans la réception des nouvelles intéressantes que je t’envoyais. Le roi nous a fait déclarer qu’il fixait son séjour le plus habituel à Paris, en conséquence et d’après la délibération de l’assemblée on nous prépare une salle à Paris près des Tuileries où le roi réside. Nous nous y rendrons sous huit jours. Le séjour du roi à Paris réparera les pertes immenses que cette grande cité avait fait depuis trois mois ; plus de 80 mille familles l’avaient abandonné, de là la cause de la grande misère, les artisans de tous genres étaient sans occupation. L’abondance va renaître à Paris, et sous deux mois Paris sera plus peuplé qu’il ne l’a jamais été. J’y allais hier pour me procurer un logement à portée de la salle, on les tient très haut, je n’en ai arrêté aucun. La plus grande tranquillité y règne ; j’allai chez le roi, ce ne sont plus les gardes du corps qui le garde, c’est la milice parisienne. Vendredi et samedi dernier on a arrêté plusieurs personnes accusées d’être complice de la cabale qui a occasionné la dernière révolution dont le succès n’a pas répondu aux désirs des auteurs ; parmi les personnes arrêtées sont, le comte du Tressant, Mademoiselle de Bessy, Mr. Vidaut de La Tour conseiller d’État ; Monsieur de Livron ancien conseiller au Parlement, deux capucins, deux conseillers au parlement, l’abbé de Calonne. Ils ont été conduits aux prisons de Saint-Germain et on instruit actuellement leur procès.  Les parlements, le clergé, la noblesse et le gouvernement s’étaient ligués entre eux pour faire manquer le pain à Paris, occasionner une sédition à Paris, rendre responsable de la famine les députés de l’assemblée, qui auraient été livrés aux fureurs du peuple, dissoudre l’assemblée, rejeter tous ses décrets, et faire déclarer au peuple qu’ils ne connaissaient pas d’autre autorité légitime que celle du roi, que les lois sous lesquels ils vivaient avant l’assemblée étaient les seules qu’il voulaient respecter. Enfin que le roi seul avait droit de faire des lois et de les faire exécuter. C’est ainsi que l’on aurait fait renoncer à la liberté le peuple qui aime le plus sa liberté, et qui mérite le plus d’être libre. Pour y parvenir on lui faisait envisager les désordres de l’anarchie, l’oubli des lois, le mépris et le discrédit des officiers chargés de les faire exécuter ; on leur faisait comparer d’état de tranquillité dont jouissait la France avant l’état de trouble et d’agitation qui la désole depuis l’assemblée ouverte, comme si l’assemblée eut donné le signal de la sédition, et de la désobéissance. Mais des personnes plus sages ont considéré que jamais grande révolution ne s’opère sans agitation ; qu’au reste la fermentation qui a gagné tous les esprits, est, quoi que dangereuse, moins à craindre est moins terrible que le conseil du despotisme.        Cette dernière révolution a déconcerté la cabale, les nobles et les prêtres qui dans notre assemblée fondaient les plus grandes espérances sur l’événement, ont bien baissé leurs tons. Depuis 15 jours ils élevaient la voix avec un air d’insolence, qui ne leur était pas ordinaire, il faisait des menaces mais aujourd’hui ils sont honnêtes et humbles plus qu’aucun. La terreur s’est emparée d’un grand nombre, ils désertent l’assemblée, plus de 150 sont déjà partis, le curé de Cholet abandonne ; aussi nous les verrions partir sans regret si nous ne craignions qu’il n’aillent répandre dans les provinces le poison de la discorde, et exciter le peuple à la sédition. Mais nous espérons que tous les bons citoyens seront en garde contre leurs discours.         Samedi dernier on dénonça Monsieur le comte de Saint Priest ministre de la maison du roi qui déjà était soupçonné d’être un des premiers auteurs de la disette, conséquemment de la sédition de Paris, comme ayant dit lundi dernier aux femmes venues de Paris qui demandaient du pain « lorsque vous n’aviez qu’un roi vous n’en manquiez pas, actuellement vous en avez douze cent allez leur en demander ». Ce propos prouve que le dessein prémédité de rendre l’Assemblée nationale responsable de cette disette que les ennemis du bien public préparaient ; et que le comte de Saint Priest en qualité de ministre de Paris qui ne pouvait ignorer l’état de Paris, peut y avoir coopéré pour une grande partie. Samedi 3 de ce mois les ministres et le conseil du roi prévinrent Sa Majesté de la sédition qui devait avoir lieu le lundi ou le mardi suivant, donc ils la savaient, et pourquoi n’en ont-ils pas arrêté les suites ? Ils pressèrent en conséquence le roi à partir sans perte de temps pour Metz. Tout était préparé sur la route, Monsieur le  marquis De Bouillé venait au-devant avec 15 mille hommes déterminés. Le prince de Beauveau fut seul du conseil qui s’opposa à ce départ. Il dit au roi que si l’émeute que l’on prophétisait avait lieu, il pourrait avoir de fortes humiliations, mais qu’il fallait s’armer de courage pour les supporter, et ajouta-t-il pour conserver la couronne. Le roi se rangea de la vie du prince de Beauveau, premier de… de la cabale. On assure que le nombre des gardes du roi tués dans le combat du lundi 5 au soir est au moins de 30. On n’en a trouvé sept morts dans un bosquet où ils s’étaient retirés après avoir reçu un coup de feu mortel.

 Samedi 8 dernier l’évêque d’Autun fit un discours très bien fait pour offrir à l’état les biens du clergé, la suppression des communautés de, et la réduction des revenus trop considérables des uns et l’augmentation de ceux des curés à portion congrue.

Proclamation officielle de la constitution civile du clergé le 12 juillet 1790

Il veut que l’on fixe la réduction actuelle du clergé, c’est-à-dire des ministres nécessaires à cent millions, lesquels 100 millions se réduiront à 85 millions après le décès des moines aux quels il sera nécessaire d’assurer une pension honnête pendant leur vie. Que le surplus qui selon lui montent à 80 millions, et selon d’autres à 200 millions sera vendu au profit de l’État et que les dîmes seront rachetées à un taux très modéré, et jusqu’au rachat seront payées au profit de l’État. On s’occupera incessamment de ce plan qui s’il est admis allégera beaucoup le fardeau des impôts.

        Nous espérons que sous huit à dix jours nous irons à Paris, je crois t’avoir marqué qu’il ne fallait plus m’adresser mes lettres sous l’enveloppe de Monsieur du Terrage, mais bien sous celle de M. le président de l’Assemblée nationale.

        Embrasse ta mère, et tous tes parents en mon intention, donne-moi souvent de tes nouvelles, et jouit d’une bonne santé.

Une Dernière phrase rayée

Versailles le 15 octobre 1789

Lettre 28 AdV 316 J 10

        Nous partons demain pour Paris, ma chère femme, cette translation satisfait peu de députés, mais le séjour du roi à Paris ou plutôt son enlèvement par les parisiens, nous détermina à déclarer l’Assemblée nationale inséparable de S. M. pendant cette présente session, nous lui devions ce témoignage de l’attachement dans une circonstance aussi douloureuse. J’ignore encore où je serai logé, je ne me presse pas à louer un appartement, on les tient fort chers dans les environs de la nouvelle salle, mais j’espère qu’il en sera comme à Versailles, ils diminueront sous peu de plus de moitié.  

À Notre-Dame, les messes se succèdent en l’honneur de la Révolution. On y chante des cantiques après la prise de la Bastille (14 juillet 1789) ou pour l’abolition des privilèges (4 août 1789). En octobre 1789, l’Assemblée nationale s’installe même provisoirement à l’archevêché, alors situé le long de la cathédrale .

J’ignore le temps que nous resterons à Versailles Paris, les uns disent que vers la mi-décembre, nous retournerons dans nos foyers, les autres que nous ne quitterons pas sans avoir fini nos travaux. Au premier cas nous reviendrions au mois d’avril. Au second nous resterions tout l’hiver et peut-être une partie du printemps. Sous 10 à 12 jours nous seront probablement décidés, je t’en donnerai avis, parce que si nous passons l’hiver et que tu trouves une occasion, tu pourras venir me joindre. J’ai vu avant-hier Monsieur Duperron à l’assemblée, je l’invitai à venir dîner avec moi, mais je ne l’ai pas vu. Le mariage de Monsieur le comte de Sourdis ne m’étonne point, je savais qu’il devait se marier, mais j’ignorais sur qui il portait ses vues. C’est sans doute Madame de Boissy qui l’a déterminé à épouser sa sœur Mademoiselle de Belle-Île pépin de Nantes, quel que soit l’événement du mariage, je présume que M. Du Landreau ne sera pas très content.

        Tu m’as mal entendu, je ne suis point inquiet de mon sort. Je t’ai seulement donné à connaître que si un bailliage ou sénéchaussée est établi à Cholet, je préférerais y occuper la première place, plutôt qu’à la Châtaigneraie, parce qu’à Cholet je serai plus près de notre famille et nos petites possessions ; que d’ailleurs il est possible que par l’issue des arrondissements la Châtaigneraie ne soit plus le chef-lieu d’un bailliage.

Mais quand mon siège serait totalement supprimé, je n’aurai pour cela aucune inquiétude, mon argent me serait remis, et j’aurais toujours par-devers moi la douce consolation d’avoir joui d’une assez belle considération dans mon nouvel état, ce qui pour moi est un ample dédommagement de ceux que j’exerçais à Montfaucon.   Il faut que tu aies une bien mauvaise opinion de ton mari, pour croire que son changement d’état soit dû à la légèreté ou à la conduite d’une femme. Tu m’as répété cette malhonnêteté plusieurs fois, ce qui me fait penser, que tu crois la chose au moins très vraisemblable. Je ne me repends certainement pas de mon acquisition, si depuis j’ai éprouvé de vifs désagréments, j’ai aussi eu de grandes jouissances qui m’ont fait oublier les premiers. Mais dans quel état l’homme honnête et sensible peut-il espérer ne jamais éprouver de désagréments ? Heureux encore quand le mal ne l’emporte sur le bien. Dans la vie, il faut des contradictions, il faut quelques disgrâces, quelques déplaisirs. C’est le moyen de mieux sentir le prix des jouissances contraires. La santé n’est jamais mieux sentie qu’après une maladie. Au surplus je me donnerai bien de garde de prêcher témoigner à M. Duplessis des inquiétudes d’être nommé à la Châtaigneraie ; si le siège est conservé, je n’ai nulle inquiétude, et si j’en témoignais le moindrement, dès lors il se persuaderait que la perte du siège est arrêtée, lorsqu’elle est encore très incertaine, et je ne vois guère de possibilités que nous nous occupions de la formation des arrondissements, et de l’établissement des sièges dans cette session.

Mes respects à ta mère, amitiés honnêtetés à ta sœur, tes cousins, M. LeBreton, Maronière, La Rivière.    Ton ami   Lofficial À Madame    Madame Lofficial à Cholet   Cholet Anjou

Paris Rue du Roulle chez M. Fargeau le 20 octobre 1789.

Lettre originale

        Nous voilà donc à Paris, ma bonne amie, au milieu du tumulte et du fracas. Je regrette la tranquillité de Versailles. Je suis logé avec Monsieur Gallot chez Monsieur Fargeau son ami, nous ne payons point de loyer, on voudrait que nous ne mangions jamais ailleurs, ce qui n’est pas possible, nos séances ne finissant qu’à quatre heures du soir. Nous pourrons y rester jusqu’à la Toussaint mais à cette époque nous insisterons pour que Monsieur Fargeau nous permette de prendre un logement au plus près de notre salle.

Monsieur le duc d’Orléans qui est parti pour l’Angleterre laissant à Paris l’opinion qu’il est l’auteur des émeutes qui y ont eu lieu, a été arrêté à Boulogne sur mer, on expédia hier un courrier pour donner des ordres de le laisser partir.

Nous avons tenu hier notre première séance à Paris, nous devons être bien tranquilles pour notre suite nous avons plus de 600 hommes de la milice continuellement en faction pour nous garder et garder le passage des rues. Embrasse ta mère, ton frère, ta sœur en mon nom. Je te le rendrai lors ce que nous nous verrons, mais quand……?

Dit à Monsieur Lebreton à qui je fais mes compliments que je lui répondrai par le premier courrier. Réserve le blé huit boisseaux Cerclaye et celui de la grolière 6 boisseaux et demi

Paris Rue du Roulle chez M. Fargeau le 24 octobre  1789

Lettre originale

Tu n’aurais pas dû être inquiet, ma chère femme, de ne recevoir point de lettres de moi à Cholet le mercredi 14. Dans la lettre que j’écrivis à ton frère le 9 je lui disais que je t’écrivais à Montigné ou je te croyais, la lettre il sera arrivé le même jour 14. Je t’envoyais un récit sur 12 pages de ce qui s’était passé à Versailles et à Paris les 5 et 6 de ce mois, je pense que tu l’auras eu le samedi suivant. M. Duperron vint me voir avant hier me prévenir qu’il partirait la semaine prochaine, je comptais de charger des deux aunes et demie de Florence que tu me demandais, j’en ai cherché ici l’échantillon, je ne l’ai pas trouvé, je l’ai laissé sans doute à Versailles. Nous sommes encore ici au moins pour cinq ou six mois, je désirerais que tu profitas d’une occasion pour venir me rejoindre. Madame de ville, la femme du secrétaire du roi, est à Angers depuis six mois, son mari me dit dans le mois de mai dernier qu’elle reviendrait après la Toussaint.  Je suis allé deux fois chez lui depuis mon arrivée à Paris, je ne l’ai pas trouvé. Tu devrais écrire à ta tante pour l’engager à voir Madame Deville et à te donner une place dans sa voiture, ou de t’indiquer le jour de son départ, si elle prend la diligence. Il ne me sera pas possible que je passe mon hiver avec quinze chemises, si tu ne viens pas, ou si tu ne m’en envoies pas, je serai obligé d’en faire faire au moins une demi-douzaine. Si tu viens, il ne faudra pas oublier ni la police ni ton manchon ni au moins 15 ou 18 serviettes, tu en as de fines à Montigné, ni quatre à cinq couverts d’argent pour nous servir par ce que nous viverions dans notre chambre a bien moindre frais. Je désirerais engagea Monsieur Dupouet a coucher dans notre petite maison à la Châtaigneraie, lui recommander de faire du feu dans le poêle pour conserver mes livres et nos meubles, [en marge fais rendre au moins 150 fagots ou 200 avant que les chemins soient gâtés] de faire chauffer de temps en temps notre chambre à coucher pour la même raison, autrement l’humidité fera tout pourrir. Envoie-lui de l’argent pour acheter du blé il en prendra au marché au fur et à mesure que les domestiques en auront besoin, il suffira d’en faire acheter neuf ou dix 10 ou 12 boisseaux de méture, puisse que tu en as eu trois de reste, cela mêlé avec du seigle, le pain sera meilleur et plus nourrissant. Si tu viens à Paris il sera inutile que tu apportes beaucoup d’argent, il suffira que tu ais 12 ou 15 louis pour faire ta route, et subvenir aux besoins imprévus. Mais traitement seront plus que suffisant pour nous défrayer à Paris. Paris est actuellement assez tranquille le peuple s’était portée mardi dernier chez un boulanger qu’il accusait injustement de cacher son pain dans la cave, s’en empara et de pendit. L’Assemblée nationale rendit le même jour la loi martiale qui permet après que l’étendard rouge aurait été déployé, étroit sommation et invitation aux attroupés de se retirer sinon que l’on fera feu sur eux ; cette loi a rendu le calme, hier on punit pour la première fois, deux de ces séditieux qui avaient le plus contribué à l’assassinat du boulanger et ils furent pendu, et le peuple nous a remué. Une autre raison de la tranquillité et que pour connaître les auteurs de la sédition on offre aux dénonciateurs depuis 600 livres à 24 mille livres, avec la grâce s’il est coupable. On a fait afficher et publié dans les rues cette proclamation approuvée par le Roi.        Un tiers des députés ont leurs femmes à Paris, Madame Filleau, dont je te parlais, est arrivé il y a plus d’un mois. Je t’ai dit de faire payer les fermes de la Mancellière, du bourg hardi, de la popinière et le froment de St Giles que tu ne m’as pas marqué avoir reçu.Il te faudra envoyer 360 livres à Monsieur Dupouet dont il paiera pour loyer 121 livres, pour 300 de fagots 72 #, a Bruron 60 #  le surplus revenant à 107 # il l’emploiera à acheter du blé pour les domestiques, quelques livres de chandelles pour les appartements mais je te répète je désirerais qu’il logea dans la maison.

        Donne-moi des nouvelles de M. de la Rivière dont l’accident me donne de l’inquiétude malgré son mieux

        embrasse ta mère et tous les tiens bien tendrement pour moi.

        Continue de m’écrire sous l’enveloppe de M. le président de l’Assemblée nationale.

J’ai écrit au prieur de Roussay le 2.8bre. Il ne m’a point répondu.

Paris le 27 octobre 1789

Lettre originale

        Ton frère ma bonne amie, m’annonce que tu as été tiqué deux fois, et tu ne m’en parles pas. Quelle tranquillité veux-tu que je goûte si je suis continuellement inquiet de ta santé, et assurer que tu n’en parleras pas ! N’ais plus le tort avec ton mari, apprends-lui que tu es rétablie, puisque tu n’as pas voulu lui faire part de ta maladie.  Embrasse ta maman, ton frère et ta sœur, et tes cousins en ma mémoire.

Rappelle-moi au souvenir de M. Larrivière et Lebreton

M. Duperron partira demain, je lui ai remis ta bague que je t’ai fait monter.

Porte-toi bien, ma chère femme, songes-en ton meilleur ami.

Paris le 31 octobre 1789

Lettre originale

Tu ne m’as point donné de tes nouvelles ma bonne amie, par le dernier courrier, et ton frère qui m’a écrit ne me parle point de toi, et ne me donne point les raisons de ton silence. Pourquoi ne m’avoir pas tranquillisé sur ton état ? J’ai su que tu avais été malade qui me fait craindre que tu le sois encore.

        Paris est très tranquille, chaque jour on arrête des personnes de considération accusée d’avoir fomenté les divisions qui ont ont eu lieu conspiré contre la liberté de la nation ; hier on a arrêté M. le duc de Gramont, on espère trouver le fil d’une trame infernale, les papiers saisis avec Monsieur Augeard secrétaire des commandements de la reine pourront donner beaucoup de connaissances si l’on trouve de hauts coupables, ils seront punis, et les méchants tremblent  ma sœur m’écrit que tu dois aller à Montigné aussitôt la Toussaint, n’oublie pas je te prie, de faire couvrir la luzerne de fumier.

        Mes respects à ta mère, embrasse-la pour moi, ainsi que nos amis, MM. de la rivière, Maronière et Le Breton. Et tes cousins.

        Tu me diras si tu es allé conduire ton fils au collège.

        Adieu, ma chère femme, aime ton mari autant qu’il t’aime

               Paris le 3 novembre 1789

Lettre originale

 La crainte seule, ma bonne amie, que l’omission de m’avoir écrit par le précédent courrier eut été due à ta maladie, m’avait déterminé à t’en parler, mais tu m’apprends que ta santé est bonne, que ce n’est pas par oubli que tu ne m’as pas écrit, je suis tranquille.

        Ce que tu m’apprends de la tranquillité et de la docilité de ton fils, me plaît infiniment ; profitons de ces heureuses dispositions, ma chère femme, ne négligeons pas une vertu naissante, fortifions-la, encourageons-la, et surtout n’oublions jamais que pour s’attacher ses enfants, si l’on veut qu’ils soient honnêtes et justes ; il faut les reprendre de leurs fautes avec douceur, qu’ils n’aperçoivent jamais que de la justice dans nos réprimandes. Les fautes qu’ils commettent proviennent moins visent de leur cœur, que de la légèreté de leur âge, soit bien persuadée, ma bonne amie de cette vérité et tu auras bientôt au moins autant de satisfaction de ta fille ; elle a plus de douceur et d’anémie sûreté dans le caractère, ce mérite naturel a pu quelques fois disparaître, mais n’aurions-nous point de reproches à nous faire ? N’aurions-nous point aliéné cette douceur par des réprimandes trop sévères, des petites fautes trop aperçues et trop répétées, et des manques d’attention que l’on ne doit jamais se permettre auprès des enfants ! Examinons notre conscience et tâchons de nous corriger. Rappelle-toi ce que je t’ai souvent observé, observations que malheureusement tu n’as pas toujours écoutées ; il est encore temps de t’attacher ta fille, de te rendre par elle la vie heureuse, d’en faire ta meilleure amie, et notre consolation réciproque ; cultive avec soin cette jeune plante, feins de ne pas apercevoir des petites fautes presque toujours involontaires, et qui doivent être oubliées aussitôt qu’aperçues, témoigne lui de la confiance proportionnée à son âge, ne lui parle qu’avec amitié et beaucoup de douceur, que ce que tu exigeras d’elle, soit plutôt un témoignage de satisfaction, qu’un ordre impérieux. Converse avec elle, d’un ton de familiarité et de bonté, mais que tes conversations soient toujours utiles et instructives. Enfin qu’elle ne voit jamais en toi qu’une mère qui l’aime, et jamais celle qui commande et qui veut être obéie. En agissant ainsi ta fille te sera soumise et obéissante, te chérira et tu mériteras sa confiance, objet bien important et que tu ne dois pas négliger.

        M. Duperron est parti de mercredi dernier, je n’ai reçu ta lettre que samedi, ainsi je n’ai pu lui remettre les emplettes tu me demandais.

        Embrasse ta mère, ta sœur, tes cousins en mon intention, rappelle-moi au souvenir de MM De la rivière, Maronière et Lebreton, mes respects à Madame Guy.

        Je t’embrasse ma bonne amie, et je te souhaite une bonne santé

ton ami Lofficial

         Toutes mes connaissances ici se portent bien, et s’informent de toi, toutes les fois que je les vois

Paris le 7 novembre 1789

Lettre originale

J’ai vu hier, ma chère femme, M. Deville il m’apprit que madame son épouse restait à Angers pour gouverner sa mère, et qu’elle y passerait l’hiver, ainsi il ne faut plus compter sur cette occasion, mais il est très possible qu’une autre se présente, ta tante peut y veiller, et t’en instruire. À propos je lui avais écrit au mois de 7bre à l’occasion de la mort de M. Desfossés, elle ne m’a pas répondu, j’ignore pourquoi.

        Ménage-toi bien, ma bonne amie, prend le plus d’exercice que tu pourras, c’est, je pense le moyen de te désennuyer, et d’éviter les rechutes fréquentes de tes maux de tête.

Embrasse ta maman, ta sœur, ton frère et tes cousins. Et surtout porte toi bien.

Paris le 10 novembre 1789

Lettre originale

        Je n’ai reçu, ma bonne amie, par le dernier courrier aucune lettre de toi, ni de ton frère, je m’imagine cependant que tu as plus de temps que moi ; il y a apparence que tu laisses passer le moment de la poste.

        M. Rond avocat a rapporté à la Châtaigneraie que s’étant trouvé à Angers avec M. Lecoq, celui-ci lui avait dit que je t’avais écrit que le siège de la Châtaigneraie serait réuni à celui de Fontenay le Comte, et que je ne serai pas fâché d’occuper le siège qui sera établi à Cholet.

        Ces propos ma chère femme ne peuvent produire qu’un mauvais effet à la Châtaigneraie, on les argumentera de mille manières, il aurait été prudent de ne point communiquer mes lettres.

        Je n’ai point encore vu M. Lecoq ici, il y a cependant longtemps qu’il est parti.

        Hier il a été arrêté qu’il serait sursis à la nomination et collation de tous les évêchés, archevêchés, abbayes, prieurés, dignités, canonicats et qu’on pourvoiraient seulement les cures. L’intention est de réduire le nombre et le revenu des évêchés, de supprimer abbayes prieurés.

        Donne-moi des nouvelles de ta mère et de ton oncle et les assure de mon respect.

        Mille amitiés a ton frère………………

Paris le 13 novembre 1789

Lettre originale

Paris le 13.9bre. 1789

        Tu es donc malade, ma chère femme, et j’ai la douleur de l’apprendre éloigné de cent lieues de toi ; privé de la consolation de te donner mes soins, j’ai du moins celle de savoir tu es auprès de ton frère. Ménage-toi bien, si tu ne peux m’écrire, engage ton frère à ne pas laisser passer un courrier sans me donner de tes nouvelles, je ne doute pas que tu ne m’en donnes toi-même aussitôt que tu le pourras ; tu prendras en considération mon inquiétude et tu la calmera la plutôt possible.

Porte-toi mieux, ma bonne amie, je t’embrasse.

Paris le 23 novembre 1789

lettre originale

Je t’envoie, ma chère femme, les deux aunes et demie de Florence que tu m’as demandé, j’ai eu de la peine à le trouver, il n’y en a plus de pareil dans le magasin où je l’avais pris, je l’ai enveloppé de brochures de peu de conséquence, afin que l’on ne s’ enaperçoive pas à la poste. C’est au surplus la seule manière de te le faire parvenir, tu le recevras franc de port sous le contreseing de notre assemblée.

        Tu as encore oublié, ma bonne amie, l’heure de la poste, je n’ai reçu samedi dernier aucune lettre de toi ni de ton frère, je pense cependant que l’un ou l’autre vous m’avait écrit, et que je recevrai demain vos nouvelles qui auraient dû me parvenir samedi. Je suis si en arrière dans ma correspondance que je ne peux écrire à ton frère par ce courrier, j’ai encore 18 lettres à répondre, embrasse-le pour moi et ta sœur, et tes cousins, assure de mon respect ta maman et l’embrasse mois.

Adieu ma bonne amie, porte-toi bien

Paris le 28 novembre 1789

Lettre originale

je t’engage, ma bonne amie, a presser principalement Fonteneau Du pas, et celui de la papinière à payer tout leurs prix de ferme, voilà plus de sept mois que la St. Georges est passée, leur accorder plus de délai, serait leur nuire .

        Je n’ai point du tout songé à ton fils pour me remplacer, je conçois que cela lui aurait fait plaisir, mais aussi il aurait perdu du temps et aurait occasionné de l’embarras.

        Le prieur de Roussay m’écrit qu’il est décidé à venir à Paris, s’il était décent que tu pus faire un aussi long voyage avec lui, ce serait une bonne occasion, mais il me semble que tu ne le pourrais qu’autant que tu aurais une dame demoiselle avec toi, tâche donc de te trouver une compagne, mais si tu ne veux pas, n’oublie pas de m’envoyer par lui quelques chemises, et surtout des mouchoirs. Tu pourrais même m’envoyer des mouchoirs par la poste, en en mettant un ou deux au plus dans un paquet de papier de la même manière que je t’ai envoyé par le dernier courrier le Fleurance que tu m’avais demandé, nous avons un de nous députés de Saint-Maixent a reçu par la poste sous le couvert de Monsieur le président, des bas de laine. Je suis un peu enrhumé du cerveau, et sur le point de manquer de mouchoirs.

        Je te renvoie la lettre de ton fils, je lui ai écrit aujourd’hui, et recommandait de t’écrire toutes les semaines ; pourquoi lui as-tu refusé la consolation de te dire adieu ?

        Embrasse ta mère, ton frère, ta sœur et tes cousins et Mariette pour moi. Porte-toi bien ma bonne amie  Lofficial

Acte de Mariage Archives départementales des Deux Sèvres https: recherche-archives.maine-et-loire.fr/v2/ark:/71821/abd51be82a0555cc1f58b8fe26ceae52