Histoire de la bascule de la Chapelle Achard.
Retrouvons-nous côté nord de la place, en effet un certain nombre d’entre vous doivent se demander à quoi pouvait bien servir ce petit local de brique rouge avec son toit hexagonal en zinc : il s’agit du local de l’ancienne bascule du poids public.
Il abritait une partie du mécanisme de la bascule publique. Lors de la pesée, on y faisait poinçonner un carton grand comme un ticket de métro où venait s’afficher le poids de la pesée. Dans les dernières années de la période de son utilisation, c’est M. Eugène Rousseleau qui tenait la buvette en face de la bascule, qui était chargé de son fonctionnement.
Grâce à l’uniformité des poids et mesures on a pu commercer en toute confiance dans tout le pays. Mais n’allez pas croire que ce fût un chemin tranquille d’en arriver à ce qui nous semble aujourd’hui normal, banal.
Dès l’ancien régime on va essayer de réguler les poids et les mesures, pour preuve cette déclaration royale de 1766
DÉCLARATION DUROI Versailles16mai 1766( Louis xv)
concernant les poids et mesures
Louis , par la Grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre : A tous ceux qui ces présentes lettres verront ; SALUT. Quoiqu’il soit fort désirable pour le commerce que l’uniformité des poids et mesures établisse, entre l’acheteur et le vendeur, une bonne foi qui sera toujours l’âme la plus active du commerce, les tentatives inutiles qui ont été faites en plusieurs temps pour y parvenir , peuvent faire douter du succès des nouveaux efforts que l’on ferait à cet égard : Cependant il nous a paru que ce serait pourvoir, du moins en partie, à la sûreté et à la facilité des opérations du commerce…
7 brumaire, l’an deuxième de la République une et indivisible. 28 Octobre 1793
Ce que la royauté avait tenté de modifier et réguler sera repris par l’Assemblée Nationale en 1789, {un poids une mesure pour tout le pays} étant une des demandes des cahiers de Doléances. La nuit du 4 août 1789 supprimant les privilèges, supprime de fait pour les seigneurs ayant en Poitou haute et moyenne justice le droit d’établir le poids et la mesure propre à son fief. En Bas-Poitou (la Vendée ) il y avait plus de 50 mesures de boisseaux différentes.
Le comité des assignats et monnaies de la convention nationale ne se fut pas plutôt occupé d’établir les bases d’un nouveau système monétaire, qu’il sentit la nécessité de lier avec l’échelle décimale de numération arithmétique, le système d’uniformité des poids et mesures….Il savait que le ci devant académie des sciences avait, depuis fort longtemps, conçu le projet de rapporter toute mesure à une unité prise dans le nature, et qu’il avait été charger par l’Assemblée Constituante, de travailler à un nouveau système des poids et mesures.
Les lois des 18 germinal an III, et 19 frimaire VII sont constitutives du système métrique, mais il faudra dans les faits attendre la Loi du 4 juillet 1837 relative aux poids et mesures sous Louis Philippe pour imposer définitivement le dit système métrique qui sert encore dans notre vie quotidienne.
C’est au mois de mai 1923, le 13 à 13 heures que M. Tenailleau maire de la Chapelle Achard convoque le conseil municipal et rend compte des pourparlers engagés avec la maison Falco-Charpentier fabricant d’instruments de pesage à Lyon au sujet de l’achat d’un pont-bascule pour la commune. La compagnie s’engage à fournir et installer entièrement à ses frais et prêt à fonctionner un pont bascule moyennant la somme de six mille six cent francs (6600 F), la commune n’ayant simplement qu’à faire édifier à ses frais la construction d’un kiosque abritant l’appareil, travaux qui pouvaient s’élever à la somme de sept cent francs (700 F). la somme de 7300 francs est votée à l’unanimité des membres présents.
Le plan est validé par la préfecture le premier juin 1923.
Tout le matériel arrive par le train à la gare de la Mothe Achard et est transporté par tombereau jusqu’à la Chapelle Achard sur le lieu où sera aussitôt installée la bascule qui restera au service des Chapelais durant plus de 50 ans.
Mais alors comment faisait on avant la bascule pour décider du poids des bêtes ?
Il nous faut ici remercier les époux Lucas du Plessis Gatineau, agriculteurs impliqués dans la vie de la commune depuis des décennies, Gilles en fut son maire de 2001 à 2014, ils seront la source pour notre histoire de la bascule.
Le prêt par Madame Lucas de son encyclopédie agricole de Charles Seltensperger édition 1911 nous donne la réponse : à la lettre B avec le mot Barymétrie méthode permettant d’évaluer par la mensuration le poids d’un animal.
Nous avons demandé à un ami agiculteur de tester dans la réalité cette théorie (voir la vidéo ci dessous à partir de minute 3 avec le témoignage de M Christophe Boudaud)
[ Moi même en 87 je parcourais la campagne pour estimer les bovins destinés à l’abattoir et destinés à l’élevage, je pense en avoir entendu parler un petit peu à l’école aux Etablières, c’est vieux, mais je n’avais jamais vu cette mesure se faire sur un animal. Alors on l’a essayée à la Ferrière avec les collègues dans la bouverie, on a bien mesuré le volume d’une vache, sa longueur de corps multipliée par son tour de poitrine et multipliée par son tour ventral qu’on re-multiplie par un coefficient, alors la moyenne c’est 0,80 qui varie quand même selon l’état d’engraissement de la vache, et l’on arrive bien, à quelques kilos près, au poids réel de la vache. D’abord il faut estimer un poids : un poids c’est deux choses. Un poids c’est l’animal comme on le voit , il est vivant, il pèse tant, il pèse 600, 700 ou 800 kilos, il y a aussi pour les animaux destinés à l’abattoir, pour la boucherie on estime un poids de carcasse, la forme, il y a eu les piqûres d’hormones mais enfin ça c’est une autre chose, qui engraissait les bêtes un peu plus vite, les mettait un peu plus belles , un peu plus rondes mais surtout en allant un peu plus vite. Il y avait aussi pour qu’une vache ou un broutard soit plus lourd quand il s’en allait de la ferme, on n’hésitait pas à lui faire manger du sel et en mangeant beaucoup de sel l’animal avait soif et buvait beaucoup d’eau, ce qui faisait qu’il était beaucoup plus lourd.]
D’où cette expression (discuter au cul des vaches) qui veut bien dire ce qu’elle veut dire, car après le poids de la bête la négociation ne fait que commencer.
Pour en terminer avec notre bascule, un beau jour des années 80 un camion, en manœuvrant, effondrera le tablier de la bascule. On se réunit, on réfléchit, la question se posant de sa réparation. Mais devenu obsolète, concurrencée par une nouvelle bascule du coté de la Mothe Achard à la CAVAC, il fut décidé de remplir la fosse de la bascule et d’arrêter le Poids Public.
On eut la bonne idée de garder ce petit exemplaire de construction originale devenu objet de notre petit patrimoine local.