Une pratique  agricole oubliée
La méthode RABATÉ Traitement des blés à l’acide

Un pulvérisateur Castaing de 1930
        à La Couture en Vendée
Début Mars à La Couture en Vendée, un sympathique
couturois a sauvé de la destruction
un témoin de notre passé agricole, un pulvérisateur
de marque Castaing à traction hippomobile

La couture 85

Grace aux indications de la plaque on sait que cet outil a été produit en Gironde par les établissements Castaing entre 1919 et 1932. Une bonne occasion de nous intéresser aux différentes pratiques culturales d’avant-guerre.

L’appareil à La Couture est un pulvérisateur Castaing type 2869 pour le traitement des céréales. Il a un empattement de 1,10 m., avec des roues de 80 cm et une envergure de 3,40 m les bras de traitement déployés. La cuve a un volume de 200 litres pour une largeur utile de traitement de 4 m.  Elle est en zinc pour résister à la solution d’acide sulfurique utilisée à la destruction des mauvaises herbes dans les blés

La description du modèle dans le catalogue de vente de 1932 extrait

Le travail d’arrachage et binage manuel nécessitait beaucoup de main d’œuvre et est abandonné à partir des années 1920, avec la mise en place de la méthode de l’ingénieur agronome Edmond Rabaté

La méthode RABATÉ

Mise au point avant la guerre de 1914, elle sera largement utilisée des années 1920 jusqu’à la fin des années 1950. C’est un traitement par pulvérisation d’acide sulfurique.
Pour détruire les herbes dans les champs de blé, nous conseillons tout particulièrement la solution d’acide sulfurique. L’acide sulfurique n’est pas un toxique. C’est un déshydratant.
Avec des solutions à 8 ou 10 % d’acide à 0,65 degrés, les brûlures sont rapides sur diverses mauvaises herbes, comme la renoncule des champs, la moutarde, la ravenelle, les matricaires, le liseron, larenouée, la luzerne apiculées, toutes plantes qui a l’état jeune ont des feuilles étalées, molles, assez facile à mouiller, avec bourgeon terminal bien apparent à la surface du sol.

Le traitement s’applique avec des pulvérisateurs à dos,
Type Berthoud ou Vermorel.
Pour traiter un hectare, il faut deux journées de travail à un homme

Dès 1912, apparaissent des pulvérisateurs à traction animale, cheval ou bœufs, avec cuve en cuivre à l’origine.

Le modèle retrouvé à la Couture a une cuve en zinc.

On utilisera aussi une cuve en bois, plus économique, le bois résistant sans problème aux acides.

Publicité parue en 1933 dans le journal du syndicat agricole de la Vendée

La pression de la pompe est produite par l’entraînement sur l’essieu avec un système de cames, chaque tour de roue sur notre appareil actionne la pompe.
Il faut 1000 à 1200 litres de solution acide pour un hectare.

Sur les modèles plus simple la pression est assurée par un pompage manuel mais nécessitant 2 personnes, quand avec le modèle Castaing une seule personne suffit.

Publicité dans le bulletin du syndicat agricole de la Vendée en 1933

Le traitement Rabaté permet une augmentation nette de 4 quintaux/hectare à une époque où le rendement moyen tourne en Vendée autour de 20 /25 quintaux/hectare, 30 quintaux au maximum.
Le rendement en  année commune au début du XIX IIème siècle est de  9 fois la semence à raison de 1,25 hl/ha de semence soit 11,25 hectos   à l’hectare . En 1817mauvaise année le rapport tombe à sept. Extrait du rapport e n 1817  sur les récoltes par le  sous préfet des Sable

L’arrivée au début des années 60 des traitements chimiques type herbogil permettra un gain significatif du rendement et signera la fin de la méthode Rabaté.  La mécanisation avec le tracteur verra la fin progressive de l’usage du cheval et de la traction animale.

Témoignage de Joseph Brémond 76 ans, la Roussière de Chateau Guibert . En 1953 son père prend la ferme de 44 ha, une grosse ferme à l’époque avec deux ouvriers, polyculture dont 10 ha de blé, avec vaches laitière et viande, un cheval et rapidement un tracteur Guldner de 24 cv . Joseph aide son père au traitement à l’acide:

Témoignage André Neau 88 ans Dissais  : notre premier tracteur un13 cv McCormick en 56/57, L’herbogil ça c’était de première recta, mais fallait faire attention à se couvrir, sinon t’étais japonais pendant un mois.
Ce qui a donné le rendement, c’est la sélection des semences, l’engrais et puis les traitements. Nous, on a fait ce que nous disaient les conseillers agricoles.

Jusqu’en 1960 les blés sont semés à la main pratiquement tout le mois d’octobre. Après le traitement les blés sont propres et avec la sélection des semences le rendement atteint fin des années 50, de 30 à 35 sacs /ha soit 24 à 26 quintaux /ha . Pour mémoire en1920 on est à 18 qu .

Comme Dédé Neau, les nouveaux traitements à l’herbogil ( 65 ) seront perçus comme une amélioration tant pour l’efficacité que la facilité d’usage, bien que l’on ait rapidement conscience de la dangerosité du produit «  les lièvres qui passaient après le traitement avaient les pattes jaunes, ils se léchaient et c’était fini pour eux «  l’Herbogil sera interdit en 1996. Le remembrement courant des années 60 accélérera la mécanisation agricole avec la disparition des petites exploitations.

Le 26 avril 2023, Joel Rouillé pour CRHA.